Commerces et ouverture dominicale
Ce samedi, Didier Ades et Dominique Dambert revenaient dans Rue des entrepreneurs sur l’ouverture des commerces le dimanche. Ce sujet pose de vraies questions de mode de fonctionnement en société mais je voudrais aborder ici la seule question économique.
Après Charles Melcer qui estimait que ce qui était acheté le dimanche ne l’était pas les autres jours, Michel Pazounian expliquait que l’ouverture du dimanche n’augmentait pas la consommation, mais les coûts. Donc finalement elle était préjudiciable au pouvoir d’achat. Par ailleurs, les commerces de proximité à effectifs réduits n’ayant pas les moyens de mobiliser du personnel 7 jours sur 7, une ouverture généralisée lke dimanche allait favoriser leqs grandes surfaces et tuer une partie des commerces de proximité.
De son coté, Gérard Mermet, sociologue à Francoscopie, expliquait au contraire que l’ouverture le dimanche était favorable à la consommation , donc à la croissance et donc au pouvoir d’achat.
Qui croire ? L’ouverture du dimanche a-t-elle un effet ou non sur la consommation et sur le pouvoir d’achat, et dans quel sens ?
Pour répondre à cette question, prenons un détour et abordons la vraie question économique, celle de la productivité .
Et commençons par nous demander pourquoi les patrons de supermarché sont prêts à payer leurs salariés nettement plus cher (de 70 à 100% en plus) le dimanche ? Apparemment, même s’ils font des ventes supplémentaires ce jour là, celles-ci vont générés une marge nettement plus faible en raison du coût salarial augmenté !
La réalité est différente : le travail du dimanche augmente la productivité du capital et du travail !
La productivité du capital d’abord : une grande surface représente un capital immobilisé important. Or ce capital est sous utilisé : il fonctionne à plein régime le samedi, en sur régime certains samedis particulier et en sous régime les autres jours. Dans une semaine normale, les ventes du samedi représentent, suivant la zone, le type de produits, entre 30 et 50 % des ventes de la semaine. Comptons 30 % : cela signifie que les autres jours, le magasin ne réalise en moyenne que 14% de ses ventes (en réalité tous les jours ne sont pas égaux). Si le même magasin ouvre le dimanche, une partie des clients du samedi se déplaceront vers le dimanche . Le samedi ne représentera plus alors que 25% du chiffres d’affaires. A chiffre d’affaire égal, le magasin a besoin d’une surface plus faible de 16%. On peut dire aussi qu’à surface égale il peut vendre 20% de plus. La productivité des capitaux investis est donc supérieure de 20%.
Pour comprendre ce qu’il en est sur la productivité du travail, il faut réfléchir au planning des équipes de vente. S’il y a par exemple dix vendeurs et qu’on les fait travailler tous le samedi, on en aura entre 6 et 7 les autres jours, ce qui donnera une certaine sous productivité. S’il n’y a que deux vendeurs, on comprend aisément qu’il est impossible d’adapter finement la force de vente à la fréquentation, (on met une ou deux personnes, point !). Donc, les vendeurs vont attendre le client une partie de leur temps. On touche là une des principales différences entre le petit commerce et la grande distribution : dans cette dernière, le vendeur passe beaucoup moins de temps à attendre le client.
J’ai accompagné une grande enseigne de la grande distribution dans le passage aux 35 heures. On a pu montrer qu’avec la réduction du temps de travail, il était possible de réduire les effectifs hors samedi à condition d’avoir des secteurs à effectifs suffisamment importants (5 ou 6 vendeurs plutôt que 2 ou 3), donc en augmentant la polyvalence.
Si la grande surface est ouverte le dimanche et que 50% des ventes se font le week-end, il est possible en théorie de faire faire 50% des heures travaillées également le week-end : les vendeurs doivent pour cela travailler 17h 30 sur deux jours. En réalité, certaines tâches peuvent être reportées sur la semaine, et donc 15 à 16 heures suffisent. Dit autrement, en ouvrant le dimanche, une grande surface peut réduire fortement les temps morts de ses vendeurs et ainsi obtenir un gain important de productivité.
A qui profitent ces gains ? Aux salariés concernés d’abord, à travers la majoration du dimanche, aux actionnaires et aux clients (en fonction de la pression concurrentielle) ensuite.
C’est beaucoup plus incertain pour les petits commerces : ils peuvent espérer augmenter la productivité de leur capital, mais ils ont plus de mal à obtenir une organisation du temps de travail plus productive. Encore qu’il est facile de constater qu’avec deux personnes, on couvre très bien un fonctionnement avec deux présents le samedi et le dimanche et un seul les autres jours ( le raisonnement fait ici ne tient pas compte de la journée de fermeture hebdomadaire et d’une durée d’ouverture de plus de 8 heures par jour).